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Are,
suprême créateur du territoire et du peuple des Muzos, s'arrêta ensuite aux
frontières du fleuve sacré Carare et d'une poignée de terre forma deux
idoles qu'il appela Fura (femme) et Tena (homme). Il plongea ensuite ces deux
figurines dans le courant, où purifiées par les baisers de l'écume, elles prirent
vies devenant ainsi les illustres ancêtres de la lignée indienne et les
premiers êtres humains. Are,
comme tout bon père attentionné, leur enseigna les limites de leurs domaines,
leur apprit à cultiver la terre pour se nourrir de ses abondances, à teindre
les couvertures pour s’en vêtir, et à lutter bravement pour se défendre
des fauves et des êtres étranges qui peuplaient alors ces contrées
indomptées et sauvages.
Sa prodigalité à l’égard de ses enfants n’avait qu’une condition : leur amour réciproque devait ne jamais de démentir, leur union spirituelle et leur fidélité devaient demeurer aussi sincères que profondes pour assurer cette pure et étroite complicité garante de pérennité dans l'ordre sacré de la création. Ainsi siècles après siècles,
Fura et Tena formèrent le monde des Muzos, irriguant de leur bonheur
préservé les champs fertiles de l'humanité, veillant sur les hommes avec la
sagesse et l’amour dont ils avaient été les premiers bénéficiaires, et
transcendant leur peuple à l’image du don qu’Are leur avait consenti dans
sa grande mansuétude bienveillante. Un jour cependant, arriva un être d’une race étrange que nul ne connaissait. Il se nommait Zarbi, et était en quête d'une fleur miraculeuse poussant dans les escarres les plus mystérieuses des grandes Cordillères et possédant le pouvoir de guérir toutes les souffrances et les maladies. Demandant son chemin à la belle Fura, il sut susciter en elle une indicible curiosité. Elle décida donc de l'accompagner pour l’aider dans sa quête au travers des terres que son père lui avait légué en patrimoine perpétuel . Ils
marchèrent ensemble longtemps à travers les vallées et les montagnes escarpées,
bravant la nature luxuriante et franchissant les fleuves pour s'enfoncer
toujours plus profondément dans le sein qui avait vu grandir et proliférer
son peuple. Au hasard du périple et des embûches naquit bientôt entre eux une tendre complicité. Attiré par le charme de cet être
mystérieux, Fura ne put longtemps lui résister et trahit finalement son vœu
de fidélité éternelle à Tena. La sentence du dieu Are, fut sans appel et implacable. Pour que Fura comprenne la profondeur et la portée de son crime, Tena devait se suicider devant ses yeux sans qu'elle ne tente de l'en empêcher. Méticuleusement,
Tena aiguisa sa macana pour lui donner la forme d'un poignard et, prostré aux pieds de
son amante éternelle, il se transperça le cœur sans faillir. La peine et l'affliction de Fura furent immenses. Ses cris de douleur raisonnèrent en un millier d'échos dans la quiétude de la jungle et se transformèrent en une nuée de papillons multicolores voletant dans toutes les directions pour annoncer au monde sa souffrance et son affliction . Ses larmes se déversèrent en torrent sur la terre de son peuple, se changeant au contact du sol en une cordillère d'émeraudes d'un éclat vert aussi profond que lumineux. Zarbi
se transforma en un fleuve tumultueux qui s'abattit furieusement
contre Fura soutenant toujours Tena à ses genoux. Sa force les sépara pour toujours
comme les deux flancs de la vallée des émeraudes où serpente encore aujourd'hui
le célèbre torrent
connu sous le nom de Rio Minero. Fura
et Tena furent finalement pardonnés par le dieu Are. Bienveillant et
clément, ce dernier leur confia une nouvelle grande responsabilité en les chargeant
de veiller sur les paysans qui mettent en valeur, entretiennent et chérissent
le legs éternel concédé par la nature. Traduction réalisée par Émeric Dupont et arrangée par mes soins sur la base d'une légende chroniquée en espagnol en 1841. |
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